50ème
anniversaire du concile Vatican II
" Le renouveau dans la continuité "
Dans
la deuxième partie du XXème siècle, deux événements majeurs auront marqué la
vie de l’Église, des chrétiens et du monde : le pontificat de Jean-Paul
II, dont tout le monde se souvient, et le concile Vatican II, dont nous fêtons cette année le 50ème
anniversaire.
Qu’est-ce qu’un concile ?
Lors d’un
concile "œcuménique", c’est à dire universel, tous les évêques
catholiques du monde entier se réunissent, convoqués par le Pape, souvent par
temps de crise, pour résoudre des problèmes de foi ou de morale, internes à l’Église
ou concernant les relations de l’Église avec le monde.
Quel fut le premier concile ?
Tous les
conciles portent le nom de la ville où ils se sont tenus. On pourrait donc dire
que le premier concile fut le concile de
Jérusalem en
l’an 48. Concile entre guillemets car il a eu lieu alors que l’Église
n’était pas encore institutionnalisée. Dans la communauté de chrétiens
d’Antioche, Paul devait faire face à une controverse qui divisait la
communauté : il s’agissait de savoir si les païens qui se convertissaient
au christianisme devaient être circoncis, c'est-à-dire devenir juifs, avant de
devenir chrétiens ou si la seule foi en Jésus était suffisante au salut. La
question fut portée à Jérusalem devant les apôtres et les anciens qui
décidèrent finalement que la circoncision n’était pas nécessaire. Ce premier
« concile » a donc ouvert l’Église, non plus seulement aux seuls juifs, mais
à tous les hommes de la terre.
Qui a convoqué le premier vrai concile ?
Celui
qui a convoqué le premier vrai concile n’était pas un pape, ni un évêque, ni un
prêtre, il n’était même pas chrétien. C’était un empereur romain :
l’empereur Constantin (272-337). Le christianisme s’était répandu dans tout
l’empire romain. Or une nouvelle controverse divisait les chrétiens : Un
prêtre d’Alexandrie, nommé Arius, professait une doctrine selon laquelle le
Christ aurait été créé par le Père et lui serait donc inférieur alors que la
majorité des évêques professaient que le Christ était
« consubstantiel » c’est à dire de même nature que le Père. Cette
controverse risquait d’aboutir à un
schisme, ce qui aurait pu compromettre l’unité de l’Empire romain. C’est donc
pour éviter ce schisme et préserver cette unité que l’Empereur a convoqué, en 325,
le concile de Nicée, qui condamnera Arius et sa théorie.
C’est
encore l’empereur Constantin qui a reconnu officiellement le christianisme comme la religion
officielle de l’Empire. Le paganisme fut interdit et les païens
furent à leur tour persécutés. Le christianisme, considéré et combattu, jusque-là,
comme une secte, devint la religion établie qui devait cimenter l’unité de
l’Empire.
Pourquoi le concile Vatican I (1869-1870) ?
1500 ans plus tard, la situation a bien changé. Entre temps,
des événements ont affaibli l'Église et la religion. Il y a eu la Renaissance
au cours de laquelle on a redécouvert la sagesse des auteurs de l'antiquité
grecque : avant le christianisme, il y avait donc déjà une sagesse qui aidait
les hommes à bien vivre. Il y a eu la réforme protestante et les guerres
de religion : catholiques et protestants se sont entretués au nom du même Jésus
Christ ! Et puis il y a eu la Révolution Française : le pouvoir ne vient
plus d'en haut (le roi de droit divin) mais d'en bas (le peuple souverain). Et
enfin et surtout, il y a eu le siècle des Lumières et le triomphe de
la Raison : L'homme n'a plus besoin de Dieu, il peut désormais utiliser sa
raison pour résoudre tous les problèmes. La religion est devenue ringarde et
même suspecte, beaucoup la considèrent comme de la superstition. La notion de
laïcité est en train de naître, elle conduira bientôt à la séparation de l'Église
et de l'État…
C'est dans ce contexte d'une Église affaiblie, discréditée, qui se sent menacée,
que s'ouvre le concile Vatican I. Il n'est pas étonnant, dans ces
conditions, que l'Église y adoptera une attitude défensive vis-à-vis d'un monde qui lui est devenu
hostile.
Vatican I va donc réagir en
affirmant que la raison ne suffit pas à assurer le bonheur de l'homme, et en
proclamant la Primauté et l'Infaillibilité pontificale, c'est-à-dire que le
Pape a autorité sur les évêques et qu'il ne peut se tromper quand il engage son
infaillibilité sur des questions de foi ou de morale (1).
Pourquoi le Concile Vatican II (1962-1965) ?
Cent ans plus tard, la situation a encore changé, peut-être plus
que pendant les deux mille ans qui ont précédé, car entretemps il y a eu les deux
guerres mondiales (21 et 60 millions de morts civils et militaires), la shoah
(5 millions de juifs exterminés dans les camps de la mort), les deux bombes
atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, la division du monde en deux blocs
hostiles disposant de cette bombe… Bref le monde vit dans l'incertitude, il
a découvert avec horreur que la raison non seulement ne suffit pas à assurer le
bonheur de l'homme, mais aussi qu'elle ne peut pas non plus assurer sa sécurité. La
raison seule ne peut pas résoudre tous les problèmes et en tout cas, elle ne
suffit pas à humaniser l'homme. L'Église
se retrouve donc dans une situation nouvelle où elle a de nouveau un
message à apporter au monde, dont le monde a besoin.
C'est pourtant à la surprise générale, y compris de la Curie
romaine (le gouvernement du Pape) que Jean XXIII annonce sa décision de convoquer un
concile. Il explique ainsi sa décision : "Je veux ouvrir largement les portes de l'Église,
afin que nous puissions voir ce qui se passe à l'extérieur, et que le monde
puisse voir ce qui se passe à l'intérieur de l'Église."
Un des mots-clés
de ce concile est le mot "Aggiornamento" qui est un terme italien
signifiant "mise à jour". Il fut utilisé à la fois par les évêques
et les médias
pour désigner une volonté de changement, d’ouverture, d'adaptation au monde
moderne. C'est pourquoi un grand nombre d'experts furent invités pour assister
les évêques dans leur tâche ainsi que des observateurs des Églises orthodoxes
et protestantes.
Une volonté de changement : La Curie romaine avait, pour préparer
le concile, demandé aux évêques du monde entier d'indiquer les questions qu'ils
souhaitaient aborder pendant le concile ; elle avait ensuite constitué des
commissions pour rédiger des réponses à ces questions, que les Pères
conciliaires n'auraient plus qu'à entériner…
Mais un coup de théâtre se produisit pendant la première
"congrégation générale" : plusieurs évêques, au premier rang desquels
le cardinal Achille Liénart de Lille et le cardinal Joseph Frings de Cologne,
contestèrent vigoureusement cette façon de procéder, exigeant que les évêques
puissent délibérer librement sans être assujettis à la main mise
(conservatrice) de la Curie. Ils furent suivis par l'ensemble des évêques…
Quel est le bilan du concile Vatican II ?
· Concernant l'Église (catholique)
Le
concile rappelle que l'unique Église du Christ est celle que Jésus a confiée à
Pierre après sa résurrection et que l'Église catholique gouvernée par le
successeur de Pierre et les évêques en communion avec lui, est la continuité de
cette Église. Mais, et c'est nouveau,
le concile reconnaît aussi qu'il peut y avoir des "éléments de sanctification"
en dehors de l'Église catholique… (ouverture
en direction des Églises orthodoxes et protestantes)
Le concile enseigne que Dieu a choisi le peuple d'Israël pour être
son peuple et qu'il a établi une alliance avec lui, alliance qui préfigure
l'alliance conclue par le Christ pour donner naissance au nouveau peuple de
Dieu, qui ne sera pas selon la chair mais selon l'Esprit, et qui sera appelée
l'Église du Christ. (reconnaissance de
l'héritage juif)
Le concile reconnaît enfin que "ceux qui n'ont pas encore reçu l'Évangile, sont ordonnés de façons
diverses au Peuple de Dieu" ce qui est un démenti apporté à l'ancienne
expression : "Hors de l'Église point
de salut !"
·
Concernant
la liturgie
Ce
sont les réformes dans ce domaines qui ont eu l'effet le plus immédiat et le
plus visible sur la vie quotidienne des Français. L'idée principale était la
suivante : L'Église souhaite sincèrement
que tous les fidèles puissent être amenés à une participation active et
pleinement consciente aux célébrations liturgiques. La messe jusque-là dite
en latin par le prêtre dos au peuple, sera célébrée en français par toute la
communauté réunie autour de prêtre.
·
Concernant
le rôle des évêques
Il
y avait toujours eu débat sur le rôle respectif du Pape et du collège des
évêques : qui avait la primauté ? On se souvient que Vatican I avait affirmé la primauté du Pape.
Vatican II va au
contraire remettre en honneur le rôle des évêques en rappelant que le souverain
pontife ne peut gouverner qu'en communion avec le collège des évêques, et que
ceux-ci sont chargés d'adapter les directives générales aux réalités locales de
leurs diocèses.
·
Concernant
le rôle des laïcs
Une
autre grande caractéristique du concile Vatican II est d'avoir mis en valeur le rôle des
laïcs en rappelant tout d'abord que la sainteté n'est pas le privilège des
prêtres et des religieux mais que tous les chrétiens sont appelés à la sainteté
et d'autre part que les laïcs sont appelés à jouer un rôle actif et à assumer
leur part de responsabilités dans la vie de l'Église. Le concile a aussi
réactualisé l'importance des diacres au sein des communautés de chrétiens.
Les
réactions au Concile Vatican II
D'un côté,
les catholiques traditionalistes refusent les conclusions du concile en
disant qu'elles s'opposent à l'enseignement bi-millénaire de l'Église, la
Tradition. Le plus célèbre d'entre eux est Monseigneur Lefebvre qui a utilisé
la messe en latin (messe de Saint Pie V) comme étendard de sa contestation du
concile. Il sacrera sans autorisation pontificale quatre évêques de sa mouvance
et sera alors excommunié ainsi que les quatre évêques.
D'un autre
côté, les catholiques réformateurs se disent au contraire déçus du peu
de réformes véritables apportées dans la vie de l'Église et en particulier en
ce qui concerne la structure hiérarchique de l'Église : L'Église continue
d'être gouvernée de façon non démocratique… ce qui la met, selon eux, en
décalage par rapport au monde moderne.
Vatican
II : rupture ou continuité ?
Beaucoup de
chrétiens ont cru voir dans les changements survenus à la suite du Concile (par exemple les prêtres qui abandonnent la
soutane et qui ne disent plus la messe en latin, comme cela s'était toujours
fait…) une rupture avec la Tradition. N'a-ton pas entendu des personnes
âgées déclarer en sortant de la messe : "Ils nous ont changé notre religion !" Mais Benoit XVI,
dans un discours de décembre 2005, s'oppose à cette interprétation du concile :
"D'un côté il existe une
interprétation […] de la discontinuité et de la rupture ; celle-ci a souvent pu
compter sur la sympathie des média… […] D'autre part, il y a une interprétation
de la réforme, du renouveau dans la continuité. L'Église que le Seigneur nous a
donnée, grandit avec le temps, elle se développe, restant cependant toujours la
même, l'unique Église du Peuple de Dieu en marche."
Conclusion
: Au concile Vatican II, l'Église a voulu
s'ouvrir et s'adapter au monde moderne tout en restant fidèle à l'esprit de
l'Évangile et dans la continuité de sa longue Tradition.
Gérard Pique
Gérard Pique